par Lilia Douihech-Slim, Journaliste
Dans le nord du Cameroun où s’affrontent séparatistes, terroristes et forces gouvernementales, j’avais une vie familiale instable qui m’a menée sur les routes migratoires. Mais je n’ai plus envie de parler de ces traumatismes. Aujourd’hui j’ai 23 ans et je suis Conseiller pour le programme « Unis avec les Réfugiés » au sein de Special Olympics Europe Asie (SOEA). Cette organisation vient en aide, en les mettant en relation à travers le sport, aux personnes avec et sans déficiences mentales.
Octobre 2014 : J’ai la conviction qu’en me confiant à cet homme que je ne connaissais pas, sans me dire que je ne reviendrai pas à Kolofata, mon oncle a voulu me donner une chance. Alors j’ai suivi ce passeur, dans l’espoir de trouver un endroit plus sûr pour y vivre : Nigeria, Niger, Algérie, Maroc, de nouveau Algérie puis Lybie. Durant une année, je suis resté silencieux autant à cause des barrières linguistiques que par peur de représailles.
Novembre 2015 : Dans le bateau des garde-côtes italiens qui nous ramenait sains et saufs vers Pozzallo en Sicile, nous étions une centaine. Nous avons été pris en charge par la Croix-Rouge et placés dans un centre d’accueil à Settimo Torinese, une ville industrialisée d’environ 48 000 habitants, située en périphérie de Turin. Les besoins de première nécessité nous étaient fournis et nous avons bénéficié d’une reconstruction psychologique.
Après quelques temps et plusieurs démarches qui me permettront d’obtenir l’asile en Italie, je me sentais prêt à découvrir cette nouvelle terre. Mais le centre d’accueil était loin de tout, nous ne comprenions pas la langue et la communauté locale n’avait pour ainsi dire jamais été confrontée à l’accueil de migrants. Bien que les lieux d’échanges – bibliothèques, cinémas, musées ou boulangeries – ne nous soient pas fermés, nous ne nous sentions pas les bienvenus. Il a fallu l’aide de Luigi Petrillo, mon éducateur, pour m’y accompagner et m’inciter à prendre des leçons d’italien.